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Les marques viticoles en Chine : la nouvelle législation nous abreuve-t-elle de promesses ? - Août 2014

IP Wine

1 août 2014

Entrée en vigueur depuis le 1er mai 2014, la nouvelle législation chinoise sur les marques était particulièrement attendue par les opérateurs de la filière viticole, puisque nul n’ignore que, dans ce vaste pays, il y avait jusqu’à ce jour une fâcheuse tendance à usurper les marques de vin, notamment d’origine française.

Si ces actes de « piraterie » sont toujours d’actualité, la nouvelle législation chinoise donne un signal encourageant, relayé par de récentes décisions judiciaires favorables à la défense des intérêts des titulaires de marques de vin.

L’objectif de la présente note est donc de cerner, d’un point de vue pratique, les modifications législatives apportées au régime précédent, ainsi que les bénéfices que les titulaires de marques viticoles pourront en tirer.

Il faut retenir ici sept principales nouveautés législatives.

1. Dépôts frauduleux

Qui n’a pas déjà entendu parler autour de lui d’une marque de vin déposée en Chine par un ressortissant chinois désireux de préempter les droits du propriétaire légitime, en bénéficiant de la protection de la juridiction chinoise ?

Ce protectionnisme à peine déguisé devrait à terme prendre fin, la nouvelle loi consacrant, pour la première fois, la notion juridique de « bonne foi » dans le cadre de la procédure des dépôts de marque.

C’est ainsi que, dorénavant, les tribunaux chinois devront tenir compte du degré de connaissance que le déposant avait d’une marque antérieure (contrats, relations commerciales, négociations…) ou de l’impossibilité pour ce dernier d’en ignorer l’existence en raison de sa renommée.

Cette disposition nouvelle devrait grandement renforcer les droits de l’usager prioritaire face à une marque postérieurement déposée et améliorer sensiblement la jurisprudence en matière de dépôts frauduleux.

2. Durcissement des mesures de lutte contre la contrefaçon de marque

Enoncé comme l’un des principaux objectifs de cette réforme législative, de nouveaux délits de contrefaçon sont institués, tels que ceux de la « facilitation de la contrefaçon » et de contrefaçon « par similarité/risque de confusion », destinés à assurer une protection plus large aux titulaires de marques.

Toujours dans cette même logique dissuasive et punitive, le législateur chinois a augmenté considérablement le montant des sanctions financières pour les contrefacteurs, comprenant des amendes administratives ou des dommages et intérêts.

3. Renforcement des procédures d’opposition

Selon le nouveau régime, une opposition ne pourra être introduite, sur le fondement d’une marque antérieure, que par son titulaire légitime.

Cette disposition vise, en effet, à réduire le nombre d’oppositions formées de mauvaise foi dans le but inavoué de différer sensiblement l’enregistrement d’une marque légitimement déposée par son titulaire d’origine.

Autre nouveauté, l’opposant ne peut plus former de recours contre une décision d’opposition défavorable. Cette faculté est réservée désormais au seul déposant. 

L’opposant éconduit n’aura plus d’autre choix que de demander l’invalidation de la marque litigieuse, dans un délai maximum de cinq ans suivant l'émission du certificat d'enregistrement, hormis le cas où le dépôt serait effectué de mauvaise foi.

Cette modification, pour salutaire qu’elle soit, peut être à double tranchant.

Cette disposition vise, en effet, à restreindre les actions dilatoires dont l’unique objectif était de bloquer artificiellement le processus d’enregistrement d’une marque et de retarder ainsi une action en contrefaçon qui ne pouvait être introduite qu’une fois la marque enregistrée.

En revanche, les titulaires de marques n’ont plus qu’une seule chance de contrer l’enregistrement d’un nouveau dépôt. Il est donc plus que jamais nécessaire de préparer, avec le plus grand soin, l’acte d’opposition et produire le maximum d’éléments au soutien de cette procédure.

4. Consécration de la marque notoire

La reconnaissance du caractère qui s’attache à une marque bénéficiant d’une renommée sera prise en compte dans le cadre de litiges relatifs à l’enregistrement et/ou à l’usage d’une marque tierce (procédures administrative ou judiciaire). L’utilisation des termes « marque notoire » sur les produits et les publicités est prohibée.

5. Valorisation de l’usage

Aussi, la preuve de l’existence de droits antérieurs pourra être rapportée par le simple usage de la marque, lequel fera naître dorénavant des prérogatives d’exploitation.

6. Dépôt multi-classes & Renouvellement par anticipation

Il est désormais possible de revendiquer, au sein d’une même demande d’enregistrement de marque chinoise, des produits et/ou services relevant de plusieurs classes.

Toutefois, ce dépôt « multi-classes » ne présente, en pratique, qu’un intérêt limité pour la grande majorité des titulaires de marques viticoles dont la protection repose essentiellement sur l’énumération des « vins », répertoriés en classe 33. 

La désignation de services en relation avec les vins ne doit, cependant, pas être totalement négligée (promotion de ventes de vins ; agence d’import-export de vins…en classe 35), car elle peut être de nature à paralyser les dépôts viticoles parasitaires effectués dans des classes autres que la classe 33.

Le renouvellement d’une marque chinoise peut être demandé dans les douze mois précédant sa date d’expiration, au lieu des six mois sous l’ancien régime. La période de grâce de six mois demeure inchangée.

Cette extension devrait raccourcir les délais d’obtention des certificats de renouvellement, que les titulaires doivent présenter, par exemple, lors de la mise en place ou de la reconduction d’une surveillance douanière. 

Elle pourrait aussi avoir pour effet de limiter les frais de renouvellement en cas d’augmentation ultérieure des taxes.

7. Fixation des délais procéduraux

La procédure d’enregistrement se voit simplifiée par l’encadrement des délais. 

Depuis l’entrée en vigueur de la loi, une demande d’enregistrement de marque doit être examinée dans un délai de neuf mois et les procédures d’opposition et d’annulation dans un délai de douze mois (possibilité de prorogation de six mois).

La fin des délais aléatoires relève d’une meilleure sécurité juridique.

Certaines décisions récentes pourraient être interprétées comme le signe précurseur du changement d’état d’esprit des juridictions chinoises, qui ont, ces derniers temps, tendance à protéger davantage les marques étrangères, favorisant la mise en œuvre de la nouvelle loi sur les marques (annulation des marques chinoises ROUSSILLON et LU XI LONG en caractères chinois ; GRAND BATEAU ; CHATEAU AUSONE ; suspension de l’amende colossale infligée à CASTEL).

De plus, il n’est pas inutile de souligner que :

- la prochaine reconnaissance de l’indication géographique BORDEAUX par l’Etat chinois permettra, pour les domaines viticoles de moindre notoriété, de renforcer leurs droits ;

- la France et la Chine ont signé le 22 avril 2014 une « Déclaration d'intention » s'engageant à lutter contre la contrefaçon de vins et spiritueux français exportés.

En conclusion, le rapprochement du régime législatif chinois vers les standards internationaux en matière de marques se doit d’être salué. Il offre désormais un cadre propice à des relations commerciales saines et assises sur la reconnaissance de la bonne foi des titulaires de droits antérieurs et sur la répression accrue de la contrefaçon.

Reste à espérer que cette réforme sera réellement appliquée et aboutira à un véritable changement de la philosophie du droit des marques en Chine.

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