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Actualité viticole

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Négociants en vin : Ne pas confondre vins et la vente de vins de tiers

Certains négociants confondent le fait de produire et vendre leurs propres vins avec celui de vendre le vin en provenance de tiers.

Ils commettent l’erreur de faire figurer au sein du libellé de leurs marques des « vins » en classe 33, alors qu’il faudrait viser plus spécifiquement les « services de vente de vins (pour le compte de tiers) » en classe 35.

Cette méprise peut s’avérer très préjudiciable. En effet, la marque pourrait être à terme déchue pour défaut d’exploitation sérieuse pour les produits pour lesquels elle est enregistrée et qu’elle n’exploite pas. Ainsi, l’usage d’une marque pour des services de vente doit être distingué de l’usage pour les produits eux-mêmes. Cette distinction résulte du fait que l’objet spécifique du service de vente est l’offre de produits de tiers revêtus de leur propre marque.

Les négociants en vins ont donc tout intérêt à ce que leurs marques soient correctement protégées en adéquation avec leurs activités de production et/ou de vente.

La présence au Salon ProWein ne constitue pas une preuve de l’usage sérieux en France d’une marque de vin

Il a été décidé par l’INPI dans le cadre d’une action en déchéance pour défaut d’usage que les factures à destination de l’export et les éléments concernant le salon allemand « ProWein » étaient irrecevables pour justifier de l’exploitation sérieuse d’une marque de vin. 

La marque française doit être exploitée sur le territoire français et à destination des consommateurs français.

Ainsi, le fait d’exposer une marque dans un salon international à l’étranger ne constitue pas un usage sérieux en France, quand bien même de nombreux opérateurs français y participeraient (INPI, Décision statuant sur une demande en déchéance du 22 janvier 2024, n° DC 23-0027).

Vinification et étiquetage

Un viticulteur peut indiquer sa propre exploitation viticole, même si le pressurage a lieu dans les locaux d’un tiers. Cela présuppose toutefois que, pendant la durée nécessaire, seul le viticulteur utilise le pressoir donné en location et qu’il dirige le pressurage et le contrôle de manière étroite et permanente.

Autrement dit, le fait que le pressurage des raisins ait lieu dans l’installation d’un tiers, louée pour cette occasion, même pour une brève durée, n’exclut pas que la vinification soit considérée comme ayant été entièrement effectuée dans l’exploitation viticole dudit viticulteur (CJUE, 23 nov. 2023, aff. C-354/22, Weingut).

Similarité entre boissons alcooliques et sans alcool

Les boissons alcooliques sont-elles similaires à celles sans alcool ?

En matière de boissons, un contentieux nourri oppose des marques d’alcool et des marques sans alcool. Il n’existe pas de dissimilarité de principe entre boissons alcooliques et non-alcooliques.

L’argument en faveur d’une similarité entre ces produits repose essentiellement sur le fait qu’il s’agisse de boissons. De plus, l’apparition de boissons alcoolisées à faible degré, voire désalcoolisées comme la bière sans alcool ou, plus récemment, le vin sans alcool, viendrait conforter la thèse d’une similarité des boissons entre elles.

L’argument en faveur d’une dissimilarité repose sur la constatation que ces boissons ne répondent pas aux mêmes besoins nutritifs et gustatifs, de sorte qu’elles ne sont pas substituables. Ainsi, elles ne s’adressent pas à la même clientèle (seulement pour les adultes pour les boissons alcoolisées et tout consommateur, enfant et adulte, pour celles sans alcool). Ces produits ne sont pas présents dans les mêmes rayons et ne proviennent pas des mêmes industries.

Autrement dit, la nature alcoolisée ou non des boissons n’est pas un facteur doté d’une prééminence générale sur les autres facteurs, notamment, leur utilisation, leurs ingrédients, leurs processus de fabrication, leurs canaux de distribution et leurs producteurs (Trib. EU, 24 mai 2023, aff. T-68/22, Joro c/ Joko, pts 24 à 27 : JurisData n° 2023-013639).

Complémentarité des produits et services : circonstances de consommation

Le fait que les produits puissent être parfois consommés dans les mêmes circonstances est insuffisant pour établir une similarité entre eux par complémentarité. Ainsi, les services hôteliers concernent majoritairement des prestations d’hébergement, qui ne comprennent pas de façon systématique une offre de spiritueux distillés qui peuvent être consommés à de multiples autres occasions (bars, restaurant, domicile), si bien que le public pertinent ne fera pas systématiquement un lien entre ces produits et services (CA Paris, pôle 5, ch. 1, 14 septembre 2022).

Les boissons sont-elles similaires à leur conditionnement ?

En matière de boissons, les bouteilles représentent généralement des conditionnements indispensables pour la commercialisation de ces produits.

Elles ont donc parfois été considérées comme similaires par complémentarité aux produits qu’elles contiennent.

Il a été jugé en ce sens par l’INPI que des boissons spiritueuses à base de rhum et cognac étaient similaires par complémentarité avec des bouteilles et des casiers de bouteilles, dans la mesure où ces produits présentent un certain lien : « les premières sont conservées, présentées et consommées via des bouteilles, elles-mêmes entreposées dans des casiers prévus à cet effet » (INPI – Opposition n°OP21-0212 du 18 novembre 2021).

Cette position jurisprudentielle trouve un écho dans une décision de nullité de l’EUIPO, rendue à propos de bouteilles, considérant que « l’emballage sert à présenter le produit à l’utilisateur de façon attrayante […] il existe une relation suffisante entre les marchandises et leur emballage pour établir une légère ressemblance » (EUIPO – Division d’annulation n°109102 du 11 décembre 2020).

On ne saurait toutefois ériger cette jurisprudence en principe immuable, et surtout l’appliquer à tout produit susceptible d’être emballés, sauf à vider de sa substance la règle de la spécialité, chère au droit des marques.

Il semblerait raisonnable de penser que cette similarité par complémentarité s’applique surtout lorsque le conditionnement est, en lui-même, porteur d’un pouvoir de différenciation (ex : carafe de spiritueux, flacon de parfums…).

Appréciation de la similitude entre boissons avec et sans alcool par complémentarité

Mélanger des boissons avec et sans alcool les rendent-elles juridiquement similaires par complémentarité ?

La jurisprudence insiste sur le fait que la notion de complémentarité ne vise pas la simple possibilité de mélanger des produits, mais a trait à l’existence d’un « lien étroit et obligatoire », en ce sens que l’un des produits est indispensable ou important pour l’usage de l’autre.

Les boissons avec et sans alcool ne sont pas par similaires par complémentarité du seul fait qu’elles peuvent être mélangées : « considérer que ces catégories de produits devraient être qualifiées de similaires, du simple fait que les produits peuvent être mélangés et consommés dans des mélanges, alors qu’ils ne sont destinés à être consommés ni dans les mêmes circonstances, ni dans le même état d’esprit, ni, le cas échéant, par les mêmes catégories de consommateurs, ferait d’un nombre important de produits susceptibles d’être qualifiés de « boissons » une seule et unique catégorie » (22/09/2021, T‑195/20, chic ÁGUA ALCALINA 9,5 PH (fig.) / Chic Barcelona et al., EU:T:2021:601).

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